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Pourquoi les serveurs font-ils tous ( ou presque)

des cauchemars récurrents sur leur boulot ?

“Je suis dans un restaurant plein à craquer et je suis le seul serveur présent. Toutes les tables me hurlent dessus parce que les commandes mettent trop de temps à arriver. Après une attente qui me semble interminable, le cuisinier m’envoie d’un coup les assiettes de toute la salle. Tous les plats sont identiques : il s’agit d’ailerons de poulet frits. Je parviens à donner à chaque client son plat. Alors que je m’arrête pour reprendre mon souffle, tous mordent dans leur nourriture en même temps. Et là, du sang commence à jaillir des morceaux de volaille. Les gens crient, l’hémoglobine se répand sur le sol, c’est un carnage. Je retourne frénétiquement vers la cuisine, supplie l’équipe de les cuire plus longtemps. Le chef commence à rire et me dit : ‘impossible, ils mijotent déjà depuis deux heures et rien n’y fait, ils sont toujours aussi saignants’. À ce moment-là, je me réveille en sursaut…”

Ce scénario digne du prochain Shyamalan est issu du forum Reddit Waitmares, sur lequel des personnes travaillant ou ayant travaillé dans la restauration partagent leurs cauchemars récurrents sur leur boulot. Si ce témoignage est particulièrement baroque, la plupart des serveurs du forum dépeignent des images plus banales : des caisses enregistreuses qui plantent, des clients mécontents, ou encore des petites erreurs accumulées durant un service qui font boule de neige. Un reflet des pires heures de leur métier, en somme.

Comment expliquer la récurrence de ces mauvais rêves ?

Un journaliste de mental_floss s’est entretenu avec le Docteur Robert Stickgold, directeur du Centre pour le sommeil et la cognition de Harvard, afin de lui poser la question. Selon le scientifique, le sommeil est crucial dans le processus d’apprentissage d’un métier, surtout quand celui-ci est aussi exigeant que l’hôtellerie.

Le service est un sport de combat


Un serveur qui bosse durant une heure de rush est comme un footballeur en plein match – ou plutôt comme un toréador face à une bête menaçante (l’animal étant dans ce cas-là remplacé par un client affamé) : il fonctionne de manière semi-automatique mais il est au maximum de ses capacités. Quand le soir d’après, il rêve qu’il oublie un café par exemple, c’est son cerveau qui travaille : il s’entraîne à mémoriser les commandes pour les jours qui suivront. Mais comment expliquer que certains continuent à être hantés par des tasses d’arabica des mois ou même des années après avoir changé de profession ?

Le spécialiste du sommeil Michael Nadorff, de l’Université de Mississippi, pense que les waitmares s’apparentent à des cauchemars post-traumatiques, comme ceux que connaissent les vétérans de guerre et plus largement toutes les personnes qui ont été confrontées à un choc émotionnel ou à un état d’angoisse aiguë. C’est le même mécanisme que celui qui pousse les anciens phobiques scolaires à avoir des visions d’interro surprise pendant la nuit. Les serveurs passent par des états de stress si intenses durant leur taff qu’ils sont condamnés à revivre durant leur sommeil ces sentiments négatifs que leur psyché n’a pas fini de digérer. Alors la prochaine fois que votre croque-monsieur tarde à arriver sur votre table à la brasserie, pitié, troquez votre exaspération par de la compassion. Dans la tête de l’équipe du resto, c’est Apocalypse Now.

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