Interdire aux clients de manger seuls au restaurant, la tendance qui fait débat
Si vous envisagez un voyage en solo à Barcelone, il y a de fortes chances que vous ne soyez pas accepté dans les restaurants de certains quartiers de la ville. La priorité est en effet donnée aux groupes. Explications.
C’est une décision pour le moins suprenante. À Barcelone, certains restaurants interdissent purement et simplement aux touristes, et même aux habitants, de manger seul révèle un article du journal espagnol El Pais. On y apprend que des établissements de la rue Blai et du quartier de l’Eixample ont pris cette mesure.
Des habitants refoulés de leur propre quartier
L’article de El Pais relaie les propos d’une habitante de l’Eixample qui a été refoulée à de nombreuses reprises dans les bars de son quartier alors qu’elle est une habituée. Pourtant, des places étaient libres en terrasse. Elle explique avoir échangé pendant de longues minutes avec le personnel des différents bars à la recherche d’une solution, quitte à débourser une somme d’argent pour pouvoir profiter de son verre et de son repas. En vain. “On m’a répondu que je ne pouvais tout simplement pas manger toute seule” déclare-t-elle. Un autre habitant a été rejeté jusqu’à trois endroits alors que des tables étaient disponibles rue Blai. “Je voulais simplement lire quelque chose tout en dînant en plein air” souffle-t-il.
D’autres journaux espagnols ayant également travaillé sur le sujet expliquent que les restaurateurs favorisent de plus en plus les groupes dans leurs établissements. Plus vous serez nombreux, plus vous aurez de chance de vous voir attribuer une table pour boire un Tinto de Verano ou déguster quelques tapas. Les autorités barcelonnaises ont pris connaissance de cette nouvelle pratique et ont d’ailleurs saisi l’association des restaurateurs de la ville ainsi que la Generalitat de Catalunya (le gouvernement de Catalogne) pour obtenir des réponses.
Une mesure à contre-courant…
Cette décision prise par certains restaurateurs de Barcelone a de quoi surprendre. Elle semble même à contre-courant de la tendance actuelle qui valorise la vie en solo et le self love. En 2023, on se valorise, on entreprend des expériences en tête-à-tête avec soi-même. Le voyage en solo est d’ailleurs l’une des grandes tendances du moment.
S’il n’existe pas de données en Belgique, des sondages sur le voyage solo ont été menés à l’échelle internationale. L’un d’eux, réalisé par le site de réservations en ligne Booking, révèle que 34% des personnes interrogées ont déjà fait l’expérience du voyage en solo et souhaiteraient la réitérer. Les jeunes de la génération Z, qui englobe les 18-25 ans, sont séduits par le concept. Toujours selon Booking, 33% d’entre eux déclarent préférer voyager en solo, tandis que 34% l’envisagent au cours des dix prochaines années. Certaines personnes partent en vacances en tête-à-tête avec elles-mêmes dans le cadre de la “memoon”. Ce néologisme, né de la contraction entre “me” (moi) et “moon” (lune de miel), désigne le voyage entrepris par des célibataires pour fêter leur liberté et leur relation à leur propre personne.
… mais nécessaire pour les restaurateurs
Cette mesure prise par des restaurateurs de Barcelone prouve que le tourisme de masse a bel et bien repris ses droits, trois ans et demi après le crise du Covid-19. Alors que des destinations prennent des initiatives pour l’endiguer, les restaurateurs de l’Eixample et de la rue Blai, eux, semblent le stimuler. Mais le secteur de la restauration a fortement souffert pendant trois ans entre confinements et crise énergétique. Un client solo, on l’imagine, cela bloque une table qui pourrait rapporter le double et au même titre que certains bânissent les squatteurs avec un ordinateur durant les heures de service, on comprend qu’il existe une certaine volonté de rentabiliser les places, mais interdire un verre ou un repas à un client s’impose comme une pratique un peu extrême, qui ne devrait pas manquer de faire réagir l’opinion publique.
Et c’est une tendance: depuis quelques années, les restaurants prennent des décisions qui font de plus en plus débat pour s’assurer de meilleurs chiffres et redresser, comme le fait d’interdire l’entrée aux enfants. Fred, un restaurateur bruxellois nous expliquait : “On sait qu’un couvert d’enfant rapporte près de la moitié d’un couvert adulte pour la plupart des restaurateurs. C’est la raison pour laquelle le client adulte est privilégié, surtout dans le contexte actuel, après deux ans de fermeture pour pandémie et l’augmentation des charges pour la plupart des acteurs de l’horeca. Certains restaurants ont finalement réduit leur espace de jeu pour les enfants pour ajouter des tables, car les tables prises par des familles consomment moins et restent longtemps dans ce genre de restaurant, le business model doit être adapté.”
Source: Le soir Be