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Histoire de la vigne et du vin

L’histoire de la vigne et du vin est si ancienne qu’elle se confond avec l’histoire de l’humanité. La vigne et le vin ont représenté un élément important des sociétés, intimement associés à leurs économies et à leurs cultures. Le vin synonyme de fête, d’ivresse, de convivialité, qui a investi le vaste champ des valeurs symboliques, est aujourd’hui présent dans la plupart des pays du monde. Son existence est le fruit d’une longue histoire mouvementée.

Passage de la vigne sauvage à la vigne cultivée

La vigne domestique, et l’ensemble des cépages traditionnels, viennent de la vigne sauvage qui est une liane trouvée en lisière forestière et ripisylves, fructifiant sur la canopée, jusqu’à plusieurs dizaines de mètres de hauteur. Elle est très répandue encore aujourd’hui depuis la mer Caspienne jusqu’à l’Atlantique, en Europe, en région méditerranéenne à l’exception du nord de l’Afrique. Cette vigne sauvage était présente au cours du Quaternaire mais on pense qu’avec les glaciations, elle s’était réfugiée dans les « refuges glaciaires » de la région du Caucase, mais peut-être aussi ailleurs. En effet, selon les données palynologiques disponibles, lors de la dernière glaciation les trois principaux « refuges » européens ont été les péninsules Ibérienne, italienne et balkanique. Très rapidement, après la dernière glaciation, la vigne sauvage a reconquis une grande partie de l’Europe. Ses fruits étaient alors disponibles pour les habitants, les derniers chasseurs-cueilleurs qui les utilisaient comme l’attestent les pépins et les charbons de bois trouvés dans divers sites archéologiques.

La vigne sauvage est donc apparue avant l’humanité et est encore représentée en Europe par Vitis vinifera subsp. sylvestris, notamment en forêt rhénane inondée.

Au XIXe siècle, dans les tufs de la commune de Sézanne, des fouilles ont mis au jour des restes fossilisés d’une vigne de l’ère tertiaire (paléocène, 60 millions d’années) qui a été baptisée Vitis sezannensis. Cette variété, disparue de l’Europe lors de la glaciation de Riss, subsiste de nos jours dans le sud-est du continent américain mais se révèle inapte à la vinification.

La vigne qui existe en Ardèche depuis la fin du tertiaire y est peut-être indigène, puisque ses feuilles fossilisées dans des dépôts de diatomées ont été trouvées dans des couches du Pliocène aux environs de Privas. Elles proviennent d’une vigne identifiée comme vitis previnifera Sap. Selon Louis Levadoux, ce type de vigne marque le passage entre les vignes asiatiques et la vigne européenne apte à faire du vin.

L’histoire de la vigne se confond avec celle du bassin méditerranéen. Il y a plus d’un million d’années, la vigne y poussait déjà sous forme de vigne sauvage (lambrusque), lianes sauvages qui n’ont qu’une très lointaine ressemblance avec nos modernes cépages. Une analyse de 154 pieds de lambrusques spontanées a permis d’établir que les individus sylvestris présentent par rapport aux sativa :

  1. un sinus pétiolaire de la feuille plutôt ouvert à très ouvert ;
  2. une feuille plutôt entière, présentant 1 à 3 lobes ;
  3. un nombre important de dents courtes.

Les différences morphologiques concernant la fleur et le fruit sont aussi marquées mais plus difficiles à observer car leur présence est éphémère. Outre que les « grains » (baies noires) de son raisin, uniquement présents sur les pieds femelles, sont plus petits, cette vigne diffère de la vigne cultivée par quelques autres points :

  • Bayer en 1919 notait déjà que ses fleurs sont unisexuées (mâle ou femelle, la sous-espèce est dite dioïque), alors que la sous-espèce Vitis vinifera subsp. vinifera (à l’origine du « vrai raisin de cuve ») a des fleurs bisexuées ou fonctionnellement uniquement femelle ;
    • les pieds mâles donnent des grappes florales atteignant parfois 20 cm, avec des fleurs dont le gynécée est atrophié mais dont le filet des étamines est bien développé, avec un pollen fertile ;
    • les pieds femelles produisent des grappes plus petites (10 cm max) de fleurs au gynécée bien développé mais dont le filet des étamines est atrophié et enroulé sur lui-même. Elles produisent un pollen qui est stérile) ;
  • les fruits sont plus acides et amers que ceux du raisin de cuve ;
  • chaque baie comporte habituellement trois graines (ou pépins), contre deux pour nombre de cultivars ;
  • Les pépins sont sphériques avec un bec court alors qu’ils sont en forme de poire avec un bec plus allongé chez le raisin cultivé ;
  • Le feuillage vire au rouge parmi les premiers en automne.

L’analyse génétique portant sur des locus microsatellites a permis d’observer une très nette différenciation entre les vignes cultivées et les lambrusques. Elle a aussi permis de mettre en évidence une autre différenciation entre les lambrusques corses et les lambrusques continentales (Lacombe et al. 2003). L’analyse comparée des sous-espèces silvestris et sativa a permis de mettre en évidence quelques cépages cultivés présentant de nombreuses caractéristiques de lambrusques. Il s’agit du gros manseng B, du gewurztraminer B et de l’arvine B. Cette étude a aussi montré que les cultivars français se rapprochent plus des lambrusques spontanées françaises que les vignes étrangères (du sud ou du centre de l’Europe).

Historique de l’implantation de la vigne

Quaternaire La vigne sauvage est présente en Europe
Glaciations La vigne sauvage se réfugie dans les refuges glaciaires de la région du Caucase, mais peut-être aussi ailleurs
Après Glaciation de Würm La vigne sauvage reconquiert une grande partie de l’Europe depuis la mer Caspienne jusqu’à l’Atlantique, la région méditerranéenne à l’exception du nord de l’Afrique
8000 av. notre ère première trace de Vitis vinifera sylvestris : la Vigne à vin sauvage en Géorgie dans le Caucase
6000 av. notre ère apparition de la vigne dans le Caucase et en Mésopotamie
3000 av. notre ère la vigne est cultivée en Égypte et en Phénicie
2000 av. notre ère apparition en Grèce
1000 av. notre ère la vigne est cultivée en Italie, en Sicile et en Afrique du Nord
1000-500 av. notre ère apparition en Espagne, au Portugal et dans le Sud de la France
500 av. notre ère – Moyen Âge implantation au nord de l’Europe, sous l’influence des Romains, et jusqu’en Grande-Bretagne.

De la préhistoire à l’Antiquité

Aux origines d’une production

La production de boissons fermentées remonte au Paléolithique. Parmi ces boissons, la bière et l’hydromel sont obtenues très facilement et leur production est probablement antérieure à celle du vin. Ainsi, la fabrication de bière a utilisé d’abord des céréales sauvages bien avant de domestiquer les cultures vivrières et des débuts de l’agriculture. Des traces de brassage de bière à base de céréales (épeautre, orge, avoine) et de légumineuses sauvages et datées de 13 000 ans sont en effet mises en évidence dans des mortiers sur un site natoufien, la grotte-cimetière Raqefet sur le mont Carmel en Israël.

Les jus de divers fruits, dont le raisin, sont également susceptibles de fermenter spontanément à la différence de la bière primitive élaborée à base de céréales sauvages pour laquelle l’amidon doit être préparé par insalivation, cuisson ou par maltage. De même la vinification a très bien pu précéder la culture de la vigne, en utilisant le jus de raisin cueilli sur des vignes sauvages, lianes naturellement présentes dans les forêts en particulier du Caucase. On admet généralement que la vinification existe depuis plusieurs millénaires ce qui aurait permis à l’homme du néolithique de goûter du vin. Si des restes archéologiques de pépins de vigne sauvage sont attestés il y a 11 000 ans, l’utilisation du raisin et d’autres fruits et aliments fermentescibles tel que l’aubépine, le miel et le riz dans des boissons fermentées n’est attestée que vers 7000 ans av. J.-C. en Chine dans le village néolithique de Jiahu. On ne connaît pas de site datant du Mésolithique (entre −10 000 et −6 000 en Europe occidentale) montrant l’exploitation intensive de la vigne sauvage ou le passage de la cueillette à la domestication de la vigne à cette période.

Les plus anciens signes archéologiques connus d’une exploitation plus intensive viennent de la région sub-caucasienne, région considérée depuis le XIXe siècle comme la patrie de la vigne domestique. Les résultats qui montrent la production de vin la plus ancienne sont des analyses chimiques réalisées sur des dépôts à l’intérieur de vases provenant du site de Hajji Firuz, au nord-ouest des monts du Zagros, en Iran. Les analyses réalisées par l’archéo-chimiste américain Patrick Mc Govern indiquent un dépôt de bitartrate de potassium et la présence de résine provenant de jarres poissées (5500-5000 avant notre ère). Ce chimiste a obtenu des résultats similaires en Géorgie sur le site de Shulaveri datant également du 6e millénaire. André Tchernia, archéologue et grand spécialiste des vins de l’Antiquité rapporte : « Les restes d’un résidu jaunâtre déposés sur la paroi d’une jarre néolithique, vieille de 7 000 ans (5400-5000 av. J.-C.), trouvée au Hajji Firuz Tepe, en Iran, se seraient révélés être un mélange d’acide tartrique et de résine. Il y aurait là, du même coup, le vin et le procédé de vinification les plus anciennement attestés »

En 2017, 8 jarres datées de 6000 avant notre ère ont été retrouvées par des archéologues à une cinquantaine de kilomètres de la capitale Tbilissi. Après analyse ces jarres se sont révélées contenir certains dépôts chimiques comme l’acide tartrique, véritable signature de la présence de vin. Cette découverte serait le plus ancien témoignage de la fabrication de vin par l’homme, et déplacerait dans le temps et l’espace le berceau de cette boisson que l’on pensait jusque-là originaire d’Iran. 

De la « bière des montagnes » aux premières routes commerciales

Les plus anciens pépins de raisin cultivés connus proviennent de Shulaveris-Gora en Géorgie où se trouve un habitat néolithique du début du VIe millénaire av. J.-C.. Ce site renferme également des vases ayant contenu du vin additionné de résine.

Le site de Godin Tepe dans la plaine de Kangavar a livré des jarres datées de 3500-3100 av.J.-C contenant un résidu de vinification, ainsi que divers outils vinaires (bassin fouloir en argile, entonnoir, couvercle de jarre…). Le pressurage est attesté à Kurban Höyük (Turquie) par la présence d’amas de pépins datés de l’Âge du bronze.

Les plus anciens pépins provenant de vignes cultivées en Palestine ont été trouvés à Tell esh-Shuna dans des niveaux chalcolithiques (3700-3200 av.J.-C). Des pépins et des sarments carbonisés ont été mis au jour dans des couches de l’Âge du Bronze ancien (3200-1900 av.J.-C.) à Jéricho, Arad, Lakish, Tell es-Sa’idiyeh en Israël et Numeira en Jordanie. Le site de Tell Ta’annek présente une installation vinicole, datée vers 2700 av. J.-C, avec une aire de foulage taillée dans le roc et communiquant avec une cuve rectangulaire. Dès la fin du IVe millénaire, les vins de la côte de Palestine et d’Israël sont suffisamment réputés pour faire l’objet d’exportations, comme en attestent des amphores retrouvées dans la tombe de Scorpion Ier à Abydos.

Les tablettes retrouvées dans la ville d’Ebla témoignent de la situation économique du royaume amorrhéen vers 2300 av. J.-C et indiquent que la viticulture et l’oléiculture sont à la fois développés et prospères. Ces textes affirment qu’à côté des céréales, l’huile et le vin sont produits dans des villages ou des domaines qui peuvent être équipés de pressoirs et de chais à vin.

Dans la seconde moitié du IVe millénaire, Uruk commerce avec la région d’Alep et importe diverses marchandises comme la pierre, le bois, les esclaves, le bitume et le vin. La vigne fut introduite en Babylonie au début du IIIe millénaire, en même temps que la figue, la pomme et la datte. La vigne est alors cultivée le plus souvent sur les digues bordant les canaux d’irrigation ou dans des jardins clos ; elle fournit des raisins qui sont consommés frais ou séchés ou encore destinés à l’élaboration de raisiné. Dans la première moitié du IIe millénaire, le vin aussi appelé « bière des montagnes » venait principalement des hautes vallées du Tigre et de l’Euphrate. Dans la ville de Karanâ (littéralement La vineuse), peut-être l’antique Tell Rimah, sur les flancs du Sindjar, le vin était abondant. Les tablettes de Tell Leilan attestent l’existence de vignobles autour de Burullum.

Se fondant sur les plus récentes découvertes archéologiques, des auteurs comme Alexis Lichine situent en Arménie la « patrie du raisin », tandis que Hugh Johnson ne manque pas de souligner que ce lieu d’origine de la vigne cultivée est en même temps celui où le mont Ararat sert de frontière septentrionale entre la Turquie et l’Arménie orientale, lieu où la légende biblique fait planter la vigne par le patriarche Noé à la fin du Déluge. Au cours de l’année 2007, une équipe composée de vingt-six archéologues irlandais, américains et arméniens a fouillé un site, proche de la rivière Arpa, près de la communauté d’Areni. Dans une caverne composée de trois chambres, ils ont trouvé un crâne contenant encore son cerveau, des traces de cannibalisme ainsi que des vases emplis de pépins de raisin permettant de supposer qu’en ce lieu, il y a 6 000 ans, aurait eu lieu une ancienne opération de vinification

Cette découverte dans le Vayots Dzor, région arménienne au sud du pays, de pépins de raisin, en 2007, a incité la National Geographic Society à financer une nouvelle campagne au cours de l’année 2010. Les fouilles archéologiques, faites sur le site Areni-1 ont mis au jour la vinerie Areni-1 (en), un complexe de vinification daté de 4 100 avant notre ère (fin Néolithique, début Chalcolithique).

Une équipe internationale d’archéologues a retrouvé les traces et les équipements d’une vinification sur un site de 700 mètres carrés. Ce complexe de vinification correspond à la période du Chalcolithique. Ils ont identifié un pressoir à vin et une cuve de fermentation en argile abrités dans une grotte. Ce sont les plus anciens connus à ce jour, a indiqué le , Gregory Areshian, de l’Institut d’Archéologie Cotsen à l’UCLA, codirecteur des fouilles. Il considère aussi que c’est l’exemple le plus complet de production vinicole au cours de la Préhistoire.

Outre pressoir et cuve, ont été identifiés des pépins, des reliquats de grappes pressés, des sarments de vigne desséchés, des tessons de poterie, une tasse ouvragée dans une corne et un bol cylindrique servant à boire le vin. Le pressoir, un bassin d’argile d’un mètre carré et de 15 centimètres de profondeur, possédait un conduit pour permettre au jus de raisin de se déverser dans la cuve de fermentation. Profonde de 60 cm, celle-ci pouvait contenir de 52 à 54 litres de vin.

Ce complexe a été découvert dans les montagnes du sud-est de l’Arménie, dans une grotte dénommée Areni-1, du nom du village proche et toujours renommé pour sa production viticole. Cette grotte est située dans une profonde gorge dans la région de Vayots Dzor. Ces premiers vignerons de l’humanité pourraient être les ancêtres des peuples Kouro-Araxes, une ancienne civilisation du Caucase. Ce site de vinification était entouré de dizaines de tombes, faisant penser que le vin pourrait avoir joué un rôle cérémonial. L’idée que cette population ne devait pas boire uniquement du vin lors des inhumations mais aussi dans la vie courante a été avancée. Mais aucune trace de cette consommation à l’extérieur de la grotte n’a jusqu’à présent été prouvée.

Par contre, il est sûr pour les paléobotanistes que les pépins sont du type vitis vinifera sativa, variété de vigne qui produit les plus grands vins de nos jours. La vigne, à l’origine sauvage et identifiée comme vitis vinifera silvestri, avait donc été domestiquée, passant de la lambrusque à l’état de raisin de cuve. « De toute évidence, les raisins étaient écrasés avec les pieds comme cela a été fait très longtemps dans toutes les régions de production viticole », a précisé Gregory Areshian.

De plus « la présence sur le site de malvidine, pigment donnant la couleur rouge au vin, est un autre indice confirmant que ces installations servaient bien à la vinification », ont souligné les archéologues. Cela prouve que la vigne avait déjà été domestiquée il y a six millénaires. Les plus anciens vestiges comparables à ceux découverts en Arménie avaient été identifiés à la fin des années 1980, en Égypte, dans la tombe du roi Scorpion Ier, et dataient de près de 5 100 ans. « Des installations similaires à celles récemment découvertes en Arménie et destinées à presser les raisins ont été utilisées jusqu’au XIXe siècle dans tout le bassin méditerranéen et le Caucase », a souligné Gregory Areshian.

Les analyses au radio-carbone effectuées par l’Université de Californie ont pu confirmer la datation. Et une nouvelle méthode scientifique a été utilisée pour déterminer avec précision que ce vin arménien datait de 4 100 ans avant notre ère.

Cette apparition du premier vin sur le haut-plateau arménien et en Transcaucasie a été aussi confortée par la découverte de pépins de raisin dans des couches datant des IVe et IIIe millénaires av. J.-C., tant en Géorgie que dans la plaine de Kharpout. À cette même période, d’autres fouilles ont mis en évidence en Arménie la présence de grandes réserves à vin près des habitations par la découverte de grandes jarres portant des traces de fermentation et des résidus de lie. Tout près, une aire pavée servait de fouloir. D’autres traces de ceps de vigne cultivée ont été relevées sur les flancs du Caucase, dans l’actuelle Géorgie. C’est dans le village Shulaveris Gora que l’on a trouvé des vestiges de vigne et de vin antérieurs à 5 000 à 5 600 ans avant notre ère. En outre, une majorité de linguistes croit que l’étymologie du mot “vin” vient du mot géorgien définissant le vin : “gvino” (en géorgien : ღვინო)

Laurent Bouby constate : « La première domestication de la vigne aurait eu lieu dans l’aire transcaucasienne où l’on observe la plus grande diversité génétique. En l’absence d’ancêtres sauvages connus localement, on suppose que les pépins de type cultivés, identifiés dans des niveaux des IVe et IIIe millénaires en zones moyennes et proches orientales, puis égyptienne, proviendraient d’apports de vigne domestiquée ailleurs, donc plus anciennement. L’hypothèse classique admet que viticulture et vigne cultivée ont diffusé depuis le sud-est asiatique vers l’ouest du Bassin méditerranéen et européen »

La première représentation du procédé de vinification est le fait des Égyptiens, au IIIe millénaire avant notre ère sur des bas-reliefs représentant des scènes de pressurage et de vendange et datant de 2500 av. notre ère. Des amphores emplies de vin blanc ont été retrouvées dans la nécropole d’Oumm El-Qaab à Abydos, où fut inhumé Sémerkhet, le septième pharaon de la Ire dynastie thinite.

Les peintures égyptiennes attestent aussi de l’importance de la vigne à leur époque. Mais compte tenu des méthodes de vinification, le vin de l’Égypte antique était considéré comme un vin essentiellement blanc ou légèrement coloré. Le raisin était soit foulé, soit pressé directement, et son jus recueilli afin de le faire fermenter en clair. Sans cuvaison, il était impossible d’obtenir une couleur rouge soutenue. Seul Champollion avait affirmé avoir vu une fresque où du vin rouge était contenu dans des bouteilles blanches.

Le trafic et l’utilisation du vin à Mari au XVIIIe siècle av. J.-C. sont connus grâce aux tablettes mises au jour dans le palais de Zimrî-Lîm. Ces archives montrent l’existence de plusieurs types de vins avec une différenciation qualitative. Le meilleur correspond au tâbum qui serait une sorte de vin doux. On connait également le vin rouge, le vin « vieux », sans précision qualitative, et les vins aromatisés à la mûre et au myrte. Les documents précisent que la table royale était toujours pourvue et qu’on réservait au souverain des jarres de bon vin rouge qui devaient être triées régulièrement parmi les vins présentés par les marchands. Les importations pouvaient être importantes en volume et les bénéfices conséquents malgré les taxes : 600 jarres en deux fois pour un batelier du nom de Ebatân, 2300 amphores pour un marchand du nom de Meptûm . À Karkemish, le vin coûtait trois fois moins cher qu’à Mari et pouvait être coupé avec des vins de la région de Terqa.

Les mots et les premières légendes du vin

Il est établi que le mot grec οίνός, qui donnera vinum en latin par l’intermédiaire de l’étrusque, appartient à la famille indo-européenne et remonterait à la racine *wVn qui a donné par exemple inu en akkadien, wiyana en hittite et wo(i)-no en mycénien. Les langues sémitiques l’auraient emprunté sous la forme *wayn dont dérive yn en ougaritique et ynn en hébreu judaïque. L’origine du vocable est donc probablement l’Anatolie et le Caucase où, sur les pentes du Mont Ararat, la Bible fait planter à Noé ses premières vignes après le déluge.

Le souvenir de cette origine ultramontaine de la viticulture s’est perpétué à travers l’épopée de Gilgamesh, récit vieux de quatre mille ans. Dans la version akkadienne, dans sa quête de la vie éternelle, le roi d’Uruk rencontre à Dilmun Siduri, la « cabaretière » qui prépare de la bière dans des cuves en or. Dans la version hittite de l’épopée elle devient « la femme du vin », celle qui le fabrique et qui le vend.

Les archives mésopotamiennes, attestent que, dans le pays entre les deux fleuves, le vin est toujours perçu comme venant d’ailleurs, des « montagnes », d’Arménie et de Syrie. À Babylone on le nommait « bière des montagnes » (šika šadî) et le plus ancien texte mentionnant le vin en Mésopotamie est une inscription du roi Lagash Urukagina datée vers 2340 av.J-C dans laquelle il indique avoir fait construire une « réserve à bière abritant des jarres de vin de la montagne ». Le vin est alors un bien de prestige, réservé aux dieux et aux princes et peut constituer une récompense comme dans le récit babylonien du Déluge dans lequel Uta-Napishtim en régale les ouvriers qui ont construit le navire. Le Code de Hammurabi prévoit le supplice du bûcher pour les prêtresses qui ouvriraient la porte des réserves du temple.

Chez les Hittites la vigne, symbole de vitalité et de fécondité, était associée au rituel de fondation des nouveaux palais, de purification des villes et des maisons après les funérailles ou de libation. Dans la mythologie le vin est présent à l’instar d’Ullikumi qui boit du vin doux et d’Astarté qui tente de décourager Baal d’aller à la maison d’Asertu pour y boire du vin. La production de vin hittites est connue par les tablettes de Hattusha. Désigné par le terme wiyana en langue hittite et GEŠTIN dans les sumérogrammes, le vin peut être rouge (SA5 GEŠTIN), blanc (KÙ.BABBAR GEŠTIN), bon vin (DUG.GA GEŠTIN), miellé (LÀL GEŠTIN), nouveau (GIBIL) ou piqué (GEŠTIN EMSA). Le terme GEŠTIN, qui signifie littéralement « arbre du vin », indique que les mésopotamiens ont d’abord connu le produit (le vin) grâce au commerce et seulement ensuite la vigne. Ce terme signifie également « arbre de vie », préfigurant ainsi la dualité vin/vie qu’on retrouvera tout au long de l’histoire avec les mythes dionysiaques comme celui d’Ampélos, puis dans la religion chrétienne. Dans la civilisation hittite, le vin est consommé généralement coupé d’eau, parfois additionné de miel ou d’huile. L’association des mots KAŠ.GEŠTIN, littéralement la bière-vin, pourrait indiquer l’utilisation du vin comme base fermentaire pour un produit élaboré à partir de céréales, d’huile, de fruits et d’épices. La loi punit les dommages occasionnés aux vignes, ordonne de clore les parcelles et prévoit des compensations en cas d’incendie. Enfin, il semble que la production locale était insuffisante de sorte que le royaume devait s’approvisionner en Cilicie, à Karkemish et Ougarit.

Dans l’Avesta, le récit de la mythologie perse raconte la légende du chah Jamshid qui fait tuer un serpent attaquant un bel oiseau. L’oiseau sauvé le remercie en laissant une petite graine qui donne naissance à la vigne. Les baies de raisin sont stockées dans des jarres mais la fermentation fait mousser le raisin et lui donne une étrange odeur : supposé alors toxique, les jarres sont mises à l’écart, marquées comme poison. L’une des femmes de son harem, négligée puis bannie, veut se suicider en buvant une de ses jarres (autre version : c’est une servante du palais qui, souffrant de trop, s’y jette). Le breuvage délicieux lui redonne la gaité (autre version : elle est guérie). Ayant fait goûter au chah le nectar, elle retrouve les faveurs de la Cour. Jamshid décrète que toutes les vignes de Persépolis seront dorénavant dédiées à la fabrication du vin. En référence à cette légende, le vin en Iran est encore appelé Zeher-i-khos, le « poison agréable ».

Source: Wikipedia