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Ce qui permet à un restaurant de se faire remarquer

par les guides gastronomiques

Parfois, un point ou une étoile font toute la différence. Un mois après la fermeture du restaurant étoilé Bon Bon, gros plan sur ce qui permet à un restaurant d’exister pour les guides gastronomiques.

Personnel impeccable, table parfaitement dressée, ambiance feutrée. Quel que soit le restaurant, de New York à Shangaï en passant par Paris ou Bruxelles, il faut être attentif au moindre détail. Car le diable est dans les détails, petits ou grands, éphémères ou pas. Quand on aspire à la perfection, il suffit d’une goutte hors du verre pour que tout s’effondre. Ce côté, que certains pourraient définir de sévère, alimente le stress d’un chef au quotidien. Parfois une réputation ne tient pas à grand-chose.

Les critères pour apparaître dans un guide gastronomique

Pour apparaître dans les bibles gastronomiques, les restaurateurs doivent soigner les aspects les plus recherchés. Le guide Michelin tient compte de : la fraîcheur des produits, la maîtrise de la cuisson et des saveurs, la prestation de services sur le long terme, la cohérence entre les plats, la créativité du chef dans ses plats, le rapport qualité prix. Le décor, le service, le dressage, l’hygiène des lieux, font aussi partie des critères au moment d’attribuer les étoiles. Depuis quelques années, les investigateurs prêtent une attention particulière à la provenance des produits et à l’agriculture bio.

Des critères que Marc Declerck, directeur du Gault&Millau partage. Le but étant de récompenser la qualité de la cuisine, le niveau de service et le rapport qualité-prix : ” Dès qu’on goûte quelque chose, on utilise les cinq sens et on surveille à tout “. De la cuisson de la viande à la finesse de la sauce, chaque détail est extrêmement important pour le critique culinaire. Chaque ingrédient doit être lié aux autres.

Ces chefs sont des artistes

Mais pour être éligible, il n’y a pas que l’assiette. Un restaurant doit remplir d’autres conditions, parmi lesquelles un minimum de 18 mois de fonctionnement, un bon service, une carte des vins variée mais également une atmosphère unique dans le restaurant. Une atmosphère, essentielle à l’identité de l’établissement, tout comme la personnalité du chef comme le confirme Marc Declerck : ” La personnalité du chef doit être bien distincte. Le chef ne doit pas faire semblant, il doit suivre sa vérité. Ce qui compte, c’est la spontanéité. Ces chefs sont des artistes”.

Car ces restaurants aspirent à offrir un univers à leurs clients. Le temps d’un soir, le monde de la haute gastronomie tente d’offrir la perfection. Cela peut paraître artificiel alors qu’en réalité elle masque des imperfections propres à la nature humaine. Ce serveur à première vue impeccable, presque théâtral, dissimule dans sa voix une hésitation. Derrière les portes de la cuisine, il fait des blagues à ses collègues ; il se reproche une négligence.

L’avantage d’être cité dans un guide gastronomique

” Errare humanum est ” et tout est humain dans la nourriture, rien n’est parfait. Malgré cela, l’évaluation demeure au centre de ces guides et parfois même un demi-point peut faire la différence. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : “Une étoile a une traduction directe dans le bilan financier d’un établissement. Obtenir une étoile va booster en moyenne de 80% le chiffre d’affaires sur trois ans “, explique le professeur d’économie à Sciences Po, Olivier Gergaud. ” Les prix augmentent de 25 à 30% par niveau, il y a plus de gens qui veulent manger dans l’établissement, le chef gagne en notoriété et en confiance auprès des investisseurs et des consommateurs.

À l’inverse, perdre une étoile entraîne quasiment automatiquement une chute du chiffre d’affaires. ” En moyenne, quand il perd une étoile, un restaurant voit sa rentabilité passer de 3% en bénéfice à -2% en perte “, continue le chercheur. Or, le maintien d’un restaurant étoilé comporte un coût important : salaire des employés, taxes, électricité. Sa facture est encore plus élevée en cette période d’inflation du prix de l’électricité.

Souvent, les restaurateurs avec une ou deux étoiles aspirent à une troisième : ils investissent alors dans les mauvaises choses comme le décor, la porcelaine et la cristallerie, les maîtres d’hôtel… Quand nous, on regarde surtout la qualité de la cuisine“, confie le directeur du Michelin Benelux, Werner Loens. ” On aime bien nous mettre le cachet de police des restaurants, mais c’est une pression qu’ils se mettent eux-mêmes“, se défend le directeur du guide rouge. Les chefs peuvent demander conseil aux directeurs des guides, mais ceux-ci ne devraient pas les inciter à investir dans quelque chose.

Moins à la mode

Mais les temps ont changé. Se voir nommé dans les guides gastronomiques n’est plus la majeure ambition pour tous les chefs. Si hier, les étoiles étaient le Saint-Graal pour les restaurateurs, aujourd’hui elles ont perdu un peu de leur lustre. Nombreux sont les chefs qui décident de sortir du livre rouge pour virer vers d’autres aspirations, de rendre leurs étoiles. ” Après 20 ans derrière les fourneaux de la cuisine de mon restaurant Bon Bon, il est temps pour moi de prendre un tournant dans ma vie et ma carrière “, annonçait en février le chef Christophe Hardiquest sur ses réseaux sociaux. Qu’est-ce qui pousse un chef doublement étoilé à fermer les portes de son restaurant ?

Quand on a deux étoiles Michelin et 19,5/20 au Gault&Millau, les clients ont des attentes “, confie le chef. La pression se fait alors sentir. Un restaurant, c’est au fond une PME. Il faut être là tous les jours pour former le personnel, gérer la comptabilité, payer les taxes. ” Si les guides ont fait confiance, il faut renvoyer la confiance dans l’autre sens. C’est un contrat entre les guides et le chef contre un mot. “

À l’époque du digital, ce qui intéresse surtout certains chefs, c’est leur notoriété médiatique, y compris sur Internet. Le papier a moins la cote. Les clients iront plus facilement consulter les avis dans des applications comme TripAdvisor. Toutefois, digital et guide imprimé sont forcément liés. “On ne peut pas être que bon cuisinier. Il faut aussi savoir communiquer sur les réseaux sociaux, sur le digital, etc. Cela fait partie du métier et les restaurateurs doivent l’intégrer “, explique le collectif de chefs wallons “Génération W”. En effet, les directeurs des bibles gastronomiques repèrent plus facilement un restaurant doué d’une bonne communication et capable de faire parler de lui.

Néanmoins, les guides culinaires ne sont pas morts. Selon une étude du cabinet Miles, être référencé dans un guide papier permet de toucher une clientèle plus aisée, plus stable et qui n’accorde que peu de crédit aux avis écrits par des anonymes sur TripAdvisor. Selon l’étude Miles, 54% des voyageurs s’appuyaient encore sur les avis écrits dans les guides, il n’y a pas si longtemps. Depuis la pandémie de coronavirus, les tensions et conflits dans le monde ainsi que l’augmentation du prix du papier ont fait évaluer la donne.

Source: RTBF.BE

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