Alors que la saison estivale débute et que les touristes reviennent en France après deux ans de pandémie, les hôtels et restaurants sont confrontés à une importante pénurie de personnel. Face à la situation, le principal syndicat du secteur a décidé de faire appel à des saisonniers tunisiens.
« On est très inquiets », souffle Hubert Jan, président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) – Restauration. Depuis la crise sanitaire, le secteur de l’hôtellerie-restauration peine à recruter du personnel. Selon l’UMIH, il manque environ 270 000 salariés, en CDD ou CDI, dans les bars, cafés et restaurants. Selon Pôle emploi, 45,3% des établissements de l’hébergement et de la restauration déclarent des projets de recrutement en 2022. Et les difficultés de recrutement dépassent les 70% dans certaines régions.
En posant nos annonces c’est plutôt nous qui espérons trouver un candidat plutôt que le candidat qui espère trouver un travail.
Anaïs Seiller, directrice d’hôtel.
« Ce sont des personnes qui ont disparu pendant le Covid. Les modes de vie ont changé, ils ont pris l’habitude de rester à la maison sur des horaires où ils n’avaient pas l’habitude de l’être », constate Hubert Jan. « Pendant le Covid, des gens qui travaillaient tard le soir, les week-ends et les jours fériés ont découvert ce que c’était de pouvoir se reposer sur ces temps-là, et ce sans réelle perte de salaire. Ils ont commencé à se demander si ça valait le coup de travailler le soir, les jours fériés pour 100 euros de plus à peine », abonde Nicolas Dosen, secrétaire général adjoint et trésorier de la CFDT Hôtellerie-tourisme-restauration (HCR) d’Ile-de-France.
Avenue de saisonniers tunisiens
Face à cette pénurie, le secteur tente de redorer l’attractivité pour ses métiers. En janvier, la grille salariale a été augmentée de 16,3% en moyenne. Insuffisant selon la CFDT : « Certains salaires ont été augmentés mais ils ne l’ont pas été depuis des années, d’autres ont augmenté de 5%… On reste en dessous du socle de base », estime Nicolas Dosen. Selon lui, le problème de l’attractivité du métier est plutôt lié à la convention collective, qui ne prévoit pas de primes de nuit, ni de gratifications salariales en cas de travail dominical ou pendant les jours fériés, ni d’indemnité lorsque les employés subissent des coupures de 5 heures dans leur journée. « On est des salariés parias », juge Nicolas Dosen.
« Nous, employeurs, on se remet sans cesse en question, par exemple pour apporter un emploi du temps qui enlève les coupures… Aujourd’hui, on doit plus s’adapter aux candidats plutôt que le candidat s’adapte à nous. Même quand t’as embauché un nouveau serveur, le fidéliser c’est encore un énorme travail », admet Anaïs Seiller, directrice d’un hôtel en région lyonnaise.
Pour faire face au manque de saisonniers cet été, l’UMIH s’apprête à signer une convention avec le ministère du tourisme tunisien, afin de faciliter le recrutement de Tunisiens dans le secteur de l’hôtellerie-restauration. « En Tunisie, ils rencontrent des problèmes économiques qui résultent de la période post-attentats, où l’activité n’a pas redémarré. Il y a donc des personnes formées sur nos métiers qui ne trouvent pas de travail. Cet accord permettra la mise en place d’une plateforme numérique sur laquelle passeront les offres et les contrats », explique Hubert Jan. 4000 salariés sont attendus dès juillet.
Vers une hausse des prix ?
Car les conséquences de cette pénurie sont nombreuses. « Le fait que l’équipe tourne, on prend du temps à refaire des recrutements, il faut former les personnes à chaque fois, et ça a un impact sur la satisfaction de la clientèle », déplore Anaïs Seiller. La directrice forme désormais tous ses salariés à la polyvalence, pour combler le manque de personnel. « Si le serveur est absent car il est malade ou car il vient de poser sa démission, le réceptionniste doit être capable d’aider au petit déjeuner ou en salle, ce qui n’est pas forcément écrit dans son contrat et qui peut être un peu sujet tabou », indique-t-elle.
Quand la pénurie de personnel est trop importante, certains établissements sont contraints de réduire la voilure, en réduisant le nombre de couverts ou leurs horaires d’ouverture. « Aujourd’hui, c’est l’économie qui va s’en trouver dégradée, alerte Hubert Jan. Le professionnel doit déjà être attentif vis-à-vis de ses marges, car avec la guerre en Ukraine, le coût d’achat de nombreux produits augmente, tout comme les charges fixes, donc les comptes d’exploitation sont sérieusement impactés ». A terme, les prix de vos restaurants préférés pourraient donc augmenter…
Source: Bienpublic.com