Arts de la table : l’histoire des incontournables couverts.
À l’exception des asiatiques qui se servent de baguettes, nous utilisons généralement des couverts de table lorsque nous nous attaquons à un repas. Mais comment ces ustensiles ont-ils gagné nos tables ? D’où nous est venue cette habitude ? Nous vous proposons un éclairage sur le sujet ; l’occasion pour vous d’en savoir plus sur l’histoire de ces incontournables de repas.
Les origines du mot « couvert »
Les premier couverts à paraître furent le couteau et la louche. En effet, le couteau date de la Préhistoire avec l’invention des silexs ; et la louche, aussi nommée cuillère à pot, est apparue au XIIIe siècle, et était fabriquée auparavant, en bronze gaulois. Ce n’est qu’à partir du Moyen-Âge que ces ustensiles, si communément utilisés pour se sustenter et appelés « couverts« , sont apparus. À l’époque, il n’y avait que peu d’ustensiles et ils étaient répartis suivant les classes sociales et la notabilité : les nobles avaient des couteaux en or, les aristocrates des couverts en argent, tandis que les pauvres étaient dotés de cuillers en bois. La plupart du temps, les individus se nourrissaient avec leurs doigts, même les nobles, car au XVIIIe, la fourchette était considérée comme un instrument du diable incitant la gourmandise, un des sept péchés capitaux.
Le terme « couvert » provient donc de la Renaissance, lorsque les règles de bonne conduite et des nouvelles manières de table sont apparues. Mais il possède plusieurs définitions. En premier, il proviendrait de l’étui couvrant une fourchette, un couteau et une cuillère. Les nobles avaient l’habitude d’utiliser ce couvert milieu XVIe siècle, sous le règne de Louis XIV, pour couvrir leurs ustensiles. On raconte aussi que les rois, craignant d’être empoisonnés, auraient ordonné de couvrir les plats d’un couvercle avant de les servir, d’où l’expression « mettre le couvert ». Cette tradition se serait étendue jusqu’à couvrir ses propres ustensiles. Louis XIV a ensuite encouragé le raffinement des tables afin qu’elles paraissent les plus riches et les plus belles possible. En effet, la coutume voulait que les nobles et les rois affichent leur richesse matérielle.
C’est au cours de ce même siècle que les familles royales et les noblesses d’épées (nobles faisant partis de l’armée sous la France de l’Ancien Régime) font graver les dos des couverts de leurs armoiries. Initiales ou blason de la famille, les armoiries représentaient l’histoire de la famille et étaient signe de richesse. Elles devaient donc être vus de tous.
L’histoire des couverts
- La fourchette
Avant que l’usage habituel de la fourchette ne soit importé d’Italie jusqu’en France par Catherine de Médicis au XVe siècle et adopté par Henri III, fils de cette dernière, les individus se nourrissaient avec leurs doigts. Lorsqu’elle est apparue, la fourchette n’avait que deux, voire trois dents, et n’était utilisée que pour consommer des poires cuites ainsi que pour servir la viande. Son utilisation a mis du temps avant de s’installer réellement dans les maisons. Louis XIV interdisait ses enfants de l’utiliser de peur qu’ils se piquent avec. Ce n’est qu’à partir du XVIIIe qu’elle se compose des quatre dents et devient réellement universelle, pour se servir tout d’abord, puis pour consommer la nourriture. Car à l’époque des collerettes et des fraises, il était très difficile d’amener les aliments à la bouche à l’aide d’un couteau. Henri III fut le premier à l’adopter pour son utilisation quotidienne puisque la fourchette lui permettait de s’alimenter sans tacher sa robe et sa fraise. Il s’affiche avec dans son restaurant de complaisance, l’Hostellerie de la Tour d’Argent à Paris et la popularise. Depuis, les formes n’ont fait qu’évoluer puisqu’elles comptent désormais plus de deux dents.
- Le couteau
À l’ère du Moyen-Âge, le couteau servait de fourchette. Les personnes s’en servaient pour amener les aliments à leur bouche grâce à leur bout très pointu. Plus tard, ils ont été ornés de manches précieux car la superstition disait que ces derniers les protégeaient contre toutes tentatives d’empoisonnement. Ils étaient à l’époque très personnels : chacun avait le sien qu’il portait à sa ceinture. Avec l’apparition de la fourchette, ils n’ont eu pour but que de couper les aliments, notamment avec l’apparition du couteau à viande au cours du XVIIe siècle. Ce n’est seulement qu’à partir du XIXe siècle que les couteaux se sont intégrés dans les maisons en plusieurs exemplaires, moins précieux, afin que les invités n’apportent plus leurs propres outils. Ils ont donc cessé de les porter toujours sur eux. Les couteaux se sont ensuite diversifiés afin de pouvoir couper tout type d’aliment (couteaux plats, crantés, etc.) et sont restés personnels pour les chefs.
- La cuillère
Cette dernière est un ustensile très vieux datant de la Préhistoire et qui doit sa forme arrondie au creux de la paume, le cuilleron. Sa matière et son utilisation ont varié suivant les contextes historiques : en bois et en os durant le Paléolithique, en céramique au Néolithique, puis le bois est de retour lors de la Grèce Antique exclusivement pour manger des oeufs, et enfin, la petite et grande cuillère a fait son apparition lors de la Rome Antique.
Jadis, son manche était très large, de la largeur de la paume de la main, le but étant de pouvoir la prendre à pleine main. En bois pour la classe pauvre, en étain pour les bourgeois, en argent pour les nobles ou en or pour les rois (d’où l’expression : « Naître avec une cuillère en argent [ou en or] dans la bouche« ), elle voit son manche s’aplatir et s’allonger au XVIe. Mais ce n’est qu’au XVIIe que la cuillère devient, comme le couteau et la fourchette, un objet précieux et personnel puisque son manche était sculpté et gravé d’armoiries. Un siècle plus tard, les orfèvres la nuancèrent en plusieurs tailles pour le thé/café, les entremets, la soupe, le dessert, etc.
Au fil des siècles, de plus en plus d’ustensiles ont été conçus dans le but de faciliter la vie de ses utilisateurs. Au-delà du simple service à trois pièces (fourchette, couteau et cuillère), ont été mis au point des services plus spécifiques au cours du XIXe. En effet, la Révolution Industrielle et l’invention du métal argenté ont permis la création de ces couverts spécifiques et en plus grand nombre grâce aux usines. Enfin, la Révolution des Transports a permis d’exporter ces couverts à travers le monde.
Ainsi, sont apparus les services à poisson, contenant une fourchette à bord extérieur coupant et un couteau distinctif, à la fin de ce siècle permettant d’effeuiller les filets. Puis, les services à crustacés suivirent, notamment avec la fourchette à huître qui devient rapidement un incontournable de la table, ainsi que la pince à escargot. Enfin, d’autres services ont continué d’émerger tels que des couverts à viande, un couteau bien aiguisé notamment ; ainsi que des services à desserts, avec de petits couverts, et bien d’autres services encore.
Source: Zenchef